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FÉMINISME ET EXTRÉMISME RELIGIEUX : QUELS LEVIERS D’ACTION POUR L’AVANCÉE DES DROITS DES FEMMES ?

La rencontre régionale de la société civile du Partenariat de Ouagadougou, qui se déroule à Lomé du 1er au 3 octobre 2024, a permis d’aborder les questions du féminisme et de l’extrémisme religieux.

Bien que le féminisme ait accompli des avancées à l’échelle mondiale, il continue de faire face à des malentendus et à des résistances, notamment en Afrique, en raison d’une interprétation erronée de ses terminologies et objectifs. Dans plusieurs régions, en particulier en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie, la lutte pour les droits des femmes est souvent entravée par l’influence grandissante de l’extrémisme religieux. Ce phénomène, qui se manifeste par une interprétation radicale et intolérante des doctrines religieuses, engendre des comportements hostiles envers ceux qui ne partagent pas les mêmes convictions. Il se traduit par des actes de violence, des discours de haine et des tentatives d’imposer des normes religieuses au détriment des droits et libertés d’autrui. L’extrémisme remet en question des acquis fondamentaux, affectant l’accès des femmes à l’éducation, à la santé reproductive, à la participation politique et à leurs libertés personnelles.

Lors des discussions, l’Imam Moustapha Wellé, coordonnateur national du Réseau Islam et Population, a déclaré : « Aucun verset du Coran ne limite ni ne supprime les droits des femmes. L’islam condamne la violence et l’atrocité, sous toutes leurs formes, y compris l’excision et les violences basées sur le genre. Dans ce contexte, il est important de contextualiser les différents concepts afin de favoriser une meilleure compréhension. »

Face aux défis, les mouvements féministes, en collaboration avec des organisations de la société civile et des leaders religieux, cherchent à identifier des leviers d’action pertinents pour défendre et promouvoir les droits des femmes.

L’IMPACT DE L’EXTRÉMISME RELIGIEUX SUR LES DROITS DES FEMMES

L’extrémisme religieux, quelle que soit la religion concernée, tend à imposer des normes patriarcales qui relèguent les femmes à un statut inférieure. Ces mouvements prônent souvent une vision de la société où les femmes sont exclues des espaces décisionnels, confinées dans des rôles traditionnels et soumises à des restrictions sévères en matière d’éducation et de travail. Le contrôle de leur corps, notamment à travers des législations limitant l’accès à la contraception ou à l’avortement, fait également partie des préoccupations majeures. L’accès à l’éducation pour les filles, en particulier, est systématiquement attaqué, avec pour conséquence un taux alarmant de mariages forcés et précoces.

LES LEVIERS D’ACTION FACE À L’EXTREMISME RELIGIEUX

  1. Sensibilisation et éducation des communautés : la sensibilisation des communautés, en particulier dans les zones les plus touchées par l’extrémisme, reste un levier clé pour le changement. Les ONG et mouvements féministes joue un rôle puissant dans l’organisation de campagnes visant à déconstruire les mythes et stéréotypes liés aux droits des femmes, tout en promouvant les valeurs d’égalité et de justice.
  2. Engagement des leaders religieux alliés : une stratégie efficace consiste à mobiliser des leaders religieux qui interprètent les textes religieux d’une manière plus inclusive et égalitaire. Ces leaders deviennent des voix pour soutenir les droits des femmes et défier les extrémistes. Par exemple, certaines figures religieuses influentes en Afrique de l’Ouest ont prôné l’éducation des filles et la santé reproductive, en s’appuyant sur des valeurs de respect et de dignité.
  3. Renforcement du cadre juridique : l’adoption de lois garantissant les droits des femmes, ainsi que leur application stricte, constitue un levier fondamental. En s’appuyant sur des conventions internationales, telles que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ou le Protocole de Maputo, les États renforcent les droits des femmes face à l’opposition des extrémistes.
  4. Soutien international et alliances stratégiques : le soutien des organisations internationales, comme les Nations Unies, et des partenaires régionaux est nécessaire pour protéger les droits des femmes, des jeunes. Les initiatives de plaidoyer, les programmes d’aide au développement et les actions diplomatiques exercent une pression considérable sur les gouvernements pour qu’ils protègent les droits des femmes, même dans des contextes d’extrémisme religieux.
  5. Les réseaux de solidarité féministes : le renforcement des alliances entre les organisations féministes à travers les frontières joue un rôle décisif. Ces réseaux permettent de partager des stratégies de résistance, d’organiser des mobilisations transnationales et d’apporter un soutien aux activistes sur le terrain, souvent en danger dans les contextes d’extrémisme religieux.

VERS UNE ÉGALITÉ DURABLE

Le combat contre l’extrémisme religieux et ses conséquences sur les droits des femmes est complexe et multiforme. Il requiert l’engagement de multiples acteurs, les gouvernements, les organisations de la société civile, les institutions religieuses et la communauté internationale.

Rachimini Malam Moumouni, activiste féministe et spécialiste en genre au Togo, affirme que« si l’on considère le féminisme comme un concept “importé”, il est tout aussi pertinent de rappeler que la religion, telle que nous la connaissons aujourd’hui, l’est également. En tant qu’Africains, nous avions déjà nos propres croyances avant l’introduction des religions étrangères. Elle souligne également l’importance des coutumes et leur influence sur la religion. En reconnaissant que les croyances coutumières ont souvent pris le dessus sur la pratique religieuse à travers des interprétations déformées, elle propose de revisiter la religion en tenant compte de nos réalités culturelles et contextuelles. Ce qui permettrait de la faire évoluer de manière à mieux correspondre à la vie quotidienne des Africains. Quant au féminisme, elle note que le terme peut poser problème, mais pas le concept en lui-même. Elle évoque sa propre grand-mère qui, bien qu’elle n’ait peut-être pas utilisé le mot “féminisme” dans son temps, incarnait parfaitement cette lutte pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Selon elle, le féminisme en Afrique existe depuis longtemps sous d’autres formes et perceptions, bien avant qu’un terme spécifique ne lui soit attribué. Cela souligne que cette quête d’égalité, profondément enracinée dans les traditions africaines, mérite d’être reconnue et valorisée.»

Le féminisme en Afrique a une longue histoire, bien qu’il ne se soit pas toujours exprimé avec les termes que nous utilisons aujourd’hui. Les femmes africaines ont, à travers les siècles, revendiqué leurs droits, lutté contre les injustices et joué des rôles clés dans la politique, l’économie et la culture de leurs sociétés.

1 commentaire
  1. Rachimini L'utilisateur dit

    Très édifiant

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